La pauvreté et l’absence de perspectives sont un terrain terrible mais fertile pour les conflits qui, par la militarisation et une densité et une prolifération des armes inimaginables, causent destructions et souffrances.Pour une lutte durable contre les causes de fuite, une politique étrangère et économique qui ne participe pas à augmenter le fossé entre les riches et les pauvres, entre le nord et le sud mais participe à construire un équilibre économique et social, est nécessaire. L’initiative pour des multinationales responsables, qui oblige les entreprises internationales à respecter les droits humains dans le monde entier, est, par exemple, une revendication importante.
Une réelle politique des réfugié-e-s n’est pas une politique de la peur mais de la paix
Lorsque des réfugié-e-s arrivent en nombre, ils et elles peuvent causer de l’anxiété dans la population locale. La politique de sécurité fait référence à la dynamique de la peur, mais elle n’agit pas contre elle. La rhétorique de la peur ne laisse pas de place pour une solution à long terme, car elle se concentre sur le problème. En d’autres termes, du point de vue féministe et pacifiste, la politique des réfugié‑e‑s ne peut pas fonctionner si elle est actionnée par les instruments de la politique de sécurité. Si la politique des réfugié‑e‑s fonctionne comme une politique de sécurité, elle aboutit à un renforcement de la rhétorique de la guerre et à plus de moyens militaires. Cette connaissance est absente de la politique des réfugié‑e‑s actuelle, cette dernière fonctionnant d’après un système de lutte contre les symptômes. Mais la migration n’est pas seulement un symptôme. Il est grand temps de briser l’horizon de la politique de sécurité et de poser des questions de politique de paix:
Pourquoi des conditions qui poussent des personnes à fuir prévalent dans certains pays? Pourquoi la guerre et des états de violence existent-ils? Qui profite de la guerre, qui fournit les armes? Pourquoi les pays en développement restent économiquement fortement marginalisés? Qui porte la responsabilité dans le fait que les pays pauvres n’aient pas de participation juste au marché mondial et que leur développement soit ainsi impossible? Est-ce que notre aide au développement aide réellement ou nuit-elle en cimentant les relations de pouvoir existantes?
Une politique de paix durable analyse l’injustice globale, la répartition inégale des ressources et accepte ses responsabilités. Antonio Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugié‑e‑s jusqu’à fin 2015, revendique cette perspective pour l’image d’ensemble, de sorte qu’une solution puisse être trouvée. Tous les États doivent repenser leur stratégie d’aide au développement ; le but de l’aide au développement devrait être de permettre aux gens d’avoir un bon avenir dans leur propre pays.
Politique de paix cohérente
Cette approche nécessite d’analyser les relations de pouvoirs et les structures existantes et à remettre en question ce qui force tant de personnes à fuir. Afin qu’une politique de paix durable émerge des politiques futiles de sécurité et de la peur, les discours précités, promoteurs de peur, doivent, dans un premier temps, être déconstruits. Dans un deuxième temps, il est nécessaire d’aborder clairement les causes et les liens au lieu de les cacher sous le tapis. Pour donner un exemple peu réaliste, mais symbolique: S’il n’y avait pas d’armes sur le marché, il n’y aurait pas de conflits armés. Seulement alors une politique durable qui ne se contredit pas et conduit donc à une solution serait possible.
Les auteur‑e‑s de la Charte de la Migration tissent également le lien entre les politiques économiques et commerciales et la migration, dans la section sur le principe de la justice:
«La migration est en grande partie due à une politique économique et commerciale capitaliste, aux exportations d’armes et au style de vie non durable qui détruit les ressources vitales au lieu de les sauvegarder. »
Charte de la Migration
La Women’s International League for Peace and Freedom WILPF relève, dans le résumé de sa conférence à l’occasion de ses 100 ans, que la véritable sécurité est basée sur l’égalité et la réalisation des droits humains:
«Real security lies in equality and the realisation of human rights. One year’s military expenditure would realize the Millennium Development Goals many times over with a permanent and sustainable dividend.»
WILPF
En ce qui concerne le débat sur les réfugié‑e‑s, les femmes de Bosnie soulignent, dans une lettre ouverte (women organizing for change), que le vrai problème ne sont pas les réfugié‑e‑s, mais l’incapacité ou le refus de mettre un terme aux guerres et aux conflits:
«The real issue is the ongoing war in Syria and wars and violence in the Middle East and Africa, that bring endless suffering to the people and for which we bear a significant degree of responsibility for – let us not forget that one of the reasons for wars and violence taking place in many of these countries is the global exploitation of resources and power struggles, which European colonizers created and today’s Western powers and corporations help to maintain. The real issue here is the inability (or unwillingness) to stop the war and violence. The problem is not the people who are seeking shelter, protection and a better future!»
WILPF
Et l’ancien sous-secrétaire général des Nations unies pour les affaires de désarmement Jayantha Dhanapala cible non seulement la pauvreté comme cause, mais également les suites de la guerre:
«[…] nearly 3 billion people, almost half the world’s population, live on a daily income of less than $2 a day. Poverty and conflict are not unrelated; they often reinforce each other. Poverty is a potent catalyst for conflict and violence within and among states, particularly at a time when poor countries and peoples are increasingly aware of the relative affluence of others. Conflicts plunge many individuals into poverty and deal a severe blow to a country’s longer-term development efforts. Even where there is no active conflict, military spending absorbs resources that could be used to attack poverty.»
Jayantha Dhanapala
Bilan
Il est temps que la Suisse accepte ces conclusions et accorde ses politiques étrangère et économique. Le temps où la Suisse consolide, d’une main, une politique étrangère pacifiste et, de l’autre, l’annule par sa politique économique, doit prendre fin. Un changement de pensée est particulièrement nécessaire dans le domaine « lutter contre les causes de fuite », afin que la Suisse participe également, par une politique économique promotrice de paix, à la solution aux problèmes mondiaux. Pour que la politique des réfugié‑e‑s fonctionne de manière durable, l’objectif doit être redéfinit: du «contrôle de la migration » à « la paix ».